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Médine, une prose acérée et un rappeur entier pour un album engagé

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Avec Prose Elite, le rappeur havrais signe son cinquième album studio, rempli d’amertume, d’expérience artistique et humaine. Un opus complet, avec une plume toujours aussi aiguisée, parfaitement ancrée aux exigences du rap contemporain.

La cover de l’album est déjà lourde de sens : le portrait de Victor Hugo déchiré, dévoilant le visage de Médine. La comparaison peut sembler présomptueuse, et pourtant, les similitudes entre les deux artistes ne se résolvent pas à leur abondante pilosité faciale. L’un a porté sur ses épaules les revendications romantiques et assume le statut de pilier de la littérature française. L’autre, englué dans un rap qui prône des valeurs capitalistiques, bling-bling et dénués de message, tente tant bien que mal d’apporter un regard critique sur une société branlante. Prose Elite, c’est un morceau de vie chargé d’émotions, de puissance et de réalisme.

Le rappeur qui faisait réfléchir

Médine est l’un des rares artistes français qui ne fait pas du rap qui s’entend, mais du rap qui s’écoute, parfois même avec une feuille et un stylo pour noter les références qui nous échappent. Celle du morceau d’ouverture est toutefois évidente : Khan, fondateur de l’Empire mongole, dont le prénom (Genghis) a inspiré Médine pour son dernier fils. Un titre qui mêle technique et authenticité pour survoler la couleur générale de l’album. Deuxième titre et déjà une seconde référence marquante, celle d’Urbain 1er, ancien pape catholique, mort défenestré lors d’une émeute contre les chrétiens.  Il affirme une nouvelle fois le côté entier de ses propos, et son engagement tant sur le plan culturel qu’humain.

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Puis les titres se succèdent, enchaînant les annotations poignantes et la puissance de certains messages. « Nour », issu de sa série Enfant du Destin se passe notamment de tout commentaire tant les paroles délivrent le portrait poignant et saisissant d’une enfant déchirée par la vie. La force de Médine, c’est d’arriver à dépeindre des situations aussi méconnues qu’édifiantes avec la puissance des mots et des notes. Tout ça à travers des morceaux capables de bousculer l’auditeur, et surtout, à l’obliger à se renseigner sur certaines références. Connaissiez-vous Denis Mukwege, le congolais qui a inspiré « L’homme qui répare les femmes » ? Un gynécologue au courage et à la volonté humaine qui forcent au respect. Même chose pour « Porteur saint », où la comparaison entre religion et société consommatrice relèvent d’une réflexion aboutie et perturbante.

Médine au sommet de son art

Outre l’excellentissime « Grand Paris » qui a déjà fait couler beaucoup d’encre dans les médias (à juste titre), quelques autres featurings ne laissent pas indifférent. « L’homme qui répare les femmes », évoqué plus haut, est sublimé par la voix lumineuse de Noraa et l’étoile montante du label de Médine, KeBlack. Mention spéciale à la collaboration avec 20syl, excellent beatmaker nantais sur le titre « Papamobile ». Les productions sont, quant à elles, toutes efficaces et surtout, toujours ancrées dans l’esprit du morceau. Prose Elite dégage un univers très épuré, à mi-chemin entre de l’acoustique finement dosé et de l’électronique énergique.

Deux ans après Démineur, Médine prouve qu’il n’a rien perdu de sa motivation et de son audace artistique. A l’heure où le rap français déborde de bousculades pour le trône et pour le haut des charts, le rappeur havrais assume son retrait du « game », avec toujours cette volonté de rester authentique tout en délivrant un message. Prose Elite, c’est un album qui s’apprécie, qui s’écoute, et surtout qui fait réfléchir. Un ultime élément rarissime qui vaut le détour et qui hisse Médine au statut de poète contemporain. N’en déplaise à certains, la comparaison avec Victor Hugo est définitivement valable.

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