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[PORTRAIT] Vince Staples, le nouvel ovni du rap américain

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Vince Staples

Après avoir sorti plusieurs projets de qualité, Vince Staples s’est affirmé comme un des nouveaux rappeurs à suivre de près avec la sortie de son album Summetime ’06 l’année dernière.  Évoquant sans concession son passé de membre des Crips, le rappeur de Long Beach débite un flow impressionnant du haut de ses 22 ans. Portrait d’un des artistes les plus intéressants de la scène rap US.

« Je vais probablement finir en Enfer de toute façon« . Voilà la phrase que Vincent Staples, de son vrai nom, nous répète inlassablement dans « Fire ». S’il ne glorifie pas son image de gangster, il assume totalement son histoire dans ses textes aussi crus qu’intelligemment écrits. Aujourd’hui considéré comme l’un des jeunes rappeurs les plus prometteurs, il ne se destinait pourtant pas au rap.

Le jeune Vincent naît à Long Beach en Californie, à 30 kilomètres de Los Angeles. Bien que la ville puisse paraître tout droit sortie d’une carte postale, la réalité est un peu plus complexe.  Les quartiers les plus pauvres sont gangrénés par les guerres de gang avec une présence dominante des Crips. C’est dans cette ambiance dangereuse et violente qu’il grandit, habitué à faire des allers-retours à Compton où ses grands-parents vivent. La couleur de peau n’existe pas dans sa ville, les blancs et les noirs commettent  les mêmes crimes, la seule couleur qui importe est celle du gang que la personne représente. Il s’habitue à voir des gens être assassinés autour de lui et à entendre des sirènes de polices hurler tous les jours. Plusieurs de ses potes les plus proches se sont fait tirer dessus à de multiples reprises. Ses journées sont rythmées par les bruits des coups de feu et des hélicoptères. Le calme ? Ne lui parlez pas de ce mot, il ne l’a jamais connu.

Vince Staples rencontre Earl Sweatshirt à l’âge de 15 ans. Depuis quelques temps déjà, Vincent rappait avec ses amis, sur des instrus faites à la va-vite. C’est grâce à des amis communs qu’il fait la connaissance d’Earl. Ce dernier lui dit très rapidement qu’il devrait se mettre sérieusement à écrire et rapper. La passion de Vince pour l’écriture se développe alors que le rappeur d’Odd Future a la constante obsession de créer les meilleurs instrumentales possibles pour accompagner ses textes. Il est impressionné par la capacité de son ami à rapper en ne reprenant que rarement son souffle et à écrire des textes de qualité : « Il prend extrêmement peu de temps pour faire des trucs de ouf. J’aime le garder près de moi quand j’écris mes textes, parce que je pense qu’il est meilleur que moi, et il me motive à faire de mon mieux ». La collaboration la plus réussie des deux personnages est d’ailleurs la chanson qui a révélé Vince au grand public : « Hive ».

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Vince passait une grande partie de son temps dans la maison d’Earl Sweatshirt. Il a pu y faire la connaissance d’autres membres du collectif Odd Future qui l’ont poussés à s’intéresser plus profondément au rap. Si au départ il ne rappait sur leurs sons que pour leur faire plaisir et s’amuser, il finit par céder à leurs incitations et se penche sur le début de sa carrière. Sa principale motivation n’était pas ce style musical en lui-même, bien que son père en écoutait souvent chez lui, mais plutôt le fait que cela était une échappatoire au monde qui l’attendait dehors. La musique était alors la seule chance de se sortir des quartiers difficiles de Long Beach. Son premier projet solo Shyne Coldhain Vol. 1 sort fin 2011, suivi de la mixtape Winter in Prague en 2012. Sans qu’il le sache, Vince Staples venait de sortir des projets musicaux qui avaient été écoutés par des personnes décisives pour sa direction musicale.

En effet, un certain Malcolm McCormick, plus connu sous le nom de scène de Mac Miller, avait entendu les deux projets du nouveau rappeur californien. Earl étant proche de Mac, il décide d’amener Vince au studio du rappeur/producteur blanc. Quand ce dernier demande à Vince Staples pourquoi il ne sort pas plus de musique, celui-ci se contente de lui répondre que personne n’a de bonnes instrus à lui proposer. Mac Miller s’étant récemment passionné pour la production, il lui suggère de lui en faire plusieurs. Le premier gros projet de Vince Staples se forme alors, en collaboration avec Larry Fisherman aka Mac Miller pour assurer une brillante production, sous la forme de l’EP Stolen Youth. Les featurings sont à la hauteur de la qualité des instrus : Ab-Soul et Schoolboy Q apportent notamment de solides performances. Ce projet sera surtout le premier qui porte la marque de fabrique de Vince Staples : des instrumentales originales, puissantes, venues d’une autre planète, sur lesquelles il pose avec une nonchalance quasi-désinvolte, évoquant des sujets tous plus sombres les uns que les autres. La mixtape est la première à recevoir l’approbation des critiques pour Vince : HipHopDX ira jusqu’à la considérer comme l’équivalent d’un vrai album.

Suite à cette petite notoriété acquise dans le monde du rap, Def Jam Records décide de signer le jeune prodige. Vince Staples élabore alors une mixtape plus personnelle, avec peu de featurings. Il profite du fait d’être signé dans le même label que le légendaire No I.D. pour lui demander de l’aider à la production. Shyne Coldchain Vol. 2 sort en 2014. Vincent Staples affirme un peu plus sa patte artistique, dès la première chanson qui pose le ton de l’ensemble. L’expérience pour l’auditeur est jouissive : la qualité de la musique est au rendez-vous et le rappeur prend de plus en plus de liberté avec son flow, tout en confirmant la direction musicale qu’il prend. La couverture de la mixtape est d’ailleurs totalement à son image : des bandanas, référence évidente aux Crips, liés entre eux pour former un nœud de pendu, symbolisant sans détour l’atmosphère obscure et pesante de ses morceaux. Acerbe et provocateur sur certaines pistes, exacerbant un tempérament presque guerrier par moments, Vince montre qu’il n’a peur de personne. Sa volonté de raconter son histoire sans la glorifier reste très présente, notamment avec le single « Nate » où il évoque en toute honnêteté le passé de gangster de son père.

Prolifique durant cette année 2014, il sort également l’excellent Hell Can Wait. Si l’expérience est courte, un peu moins de 25 minutes, elle suffit à prendre aux tripes grâce à sa production énergique et au flow débité par l’infatigable rappeur californien. Si le projet est si court, c’est qu’il n’est là que pour confirmer 3 choses : Vince Staples s’améliore de mixtape en mixtape, il compte parmi les meilleurs jeunes rappeurs et l’attente pour ce qu’il prévoit pour l’avenir est à son paroxysme.

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Les attentes seront dépassées de loin avec son premier album. Pourquoi choisir le thème de l’été 2006? Parce que c’est à cette période, à l’âge de 13 ans, qu’il sera témoin du pic de violence à Long Beach. Comme pour se rattraper de la brièveté de son derniet projet musical, Summetime ’06 comporte… 20 chansons, réparties équitablement sur 2 disques.  La qualité des instrumentales qu’exploite Vince est à son apogée : de « Lift Me Up » à « Jump Off The Roof », en passant par « C.N.B. » et « Like It Is », il prouve qu’il est unique en son genre et qu’il réussit là où 99% des rappeurs échoueraient. La démonstration de style est impressionnante. Le projet est étonnamment bien construit et se suit logiquement malgré sa longueur, les textes sont plus incisifs et percutants que jamais. Considéré à juste titre par Rolling Stone comme un des tous meilleurs albums rap de l’année 2015, pourtant très prolifique en matière de bons albums, Summertime ’06 est le point d’orgue de la carrière prometteuse du rappeur de Long Beach. Son ambition est clairement affichée avec une nouvelle profondeur ajoutée à son art, que l’on retrouve par exemple dans le clip pour « Señorita ».

Le monde du rap est alors forcé de reconnaître le talent du rappeur. Il fera partie de la XXL Freshman Class de 2015, à côté d’autres étoiles montantes du rap US. Il se démarque clairement de la compétition et tous les projecteurs se tournent peu à peu vers lui. De Forbes à GQ, même les médias mainstream sont touchés par le phénomène qui commence à se créer.

Le succès de Vince Staples a explosé autant chez les critiques que chez les fans. Après avoir participé à la tournée pour Oxymoron avec Schoolboy Q, on l’a retrouvé en concert en 2015 aux côtés d’A$AP Rocky, Tyler, The Creator et Danny Brown pour une série de concerts aux États-Unis. De son côté, il défend Summertime ’06 en tournée depuis fin 2015 et continue en 2016. Du côté des chansons en elles-mêmes, il est devenu très prisé : présent sur la bande-son du film « Creed » aux côtés de Childish Gambino et Jhene Aiko pour « Waiting For My Moment », il a également été présent sur des morceaux avec Christian Rich et Common, tout en continuant de collaborer avec Earl Sweatshirt et Mac Miller.

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Si son rap est souvent enveloppé d’un voile obscur et grave, le côté désabusé du rappeur est toutefois balancé par le côté enfantin qu’il fait sans cesse ressortir lors de ses interviews. Toujours le mot pour amuser la galerie malgré l’image qu’il semble renvoyer dans sa musique, son côté pince-sans-rire ne manque jamais de provoquer le sourire autant chez ses fans que chez les journalistes qui l’interrogent. Sans jamais trop se prendre au sérieux, il aime donner son avis sur tout et tout le monde. Il n’a pas peur de défendre des opinions impopulaires, avec ou sans sérieux.  Ce fan invétéré de Bow Wow n’hésitera pas à affirmer que le rap des années 90’s est hautement surestimé, amusé par les réactions qu’il suscite sur les réseaux sociaux. Souvent critiqué, ses détracteurs soulevant l’argument qu’il est trop jeune pour avoir un avis construit à ce sujet, il s’est contenté de jeter de l’huile sur le feu afin de divertir les différents médias. Apparemment, le fait que sa description sur Twitter soit une citation de Lil B ne suffit pas à faire comprendre à certains le ton ironique qu’il apporte quasiment quotidiennement…

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Depuis sa naissance dans les rues ensoleillées de Long Beach, Vince Staples était donc promis à un avenir radieux dans le milieu de la musique. Ayant fait mûrir son talent au fil des années, il éclot maintenant au grand jour, apportant une qualité et une originalité bien appréciable. Ses textes profonds, son flow inépuisable, ses productions surprenantes et sa quasi-double personnalité font de lui un des personnages les plus intéressants de la nouvelle scène du rap américain. On lui promet un futur rempli de succès en tant qu’artiste. Reste à savoir combien d’albums il sortira avant ses 40 ans

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