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20 ans de BBE Records: retour sur le magnifique album de DJ Jazzy Jeff

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the magnificent

En l’honneur des vingts années de BBE Records, nous sommes revenus sur un des indémodables du label : The Magnificent de DJ Jazzy Jeff.

2016 marque les vingts ans de deux institutions Hip-Hop indépendantes : Stones Throw et BBE Records. Pour cette rétrospective, c’est le label anglais, acronyme de Barely Breaking Even, qui nous intéresse. Outre l’édition de compilations et albums de funk en tout genre, BBE était, et demeure encore, un terrain de jeu pour les plus grands artisans du beat de la planète.

Jay Dee a/k/a J Dilla (Welcome To Detroit, The Shining), Pete Rock (Petestrumentals, Soul Survivor II…), DJ Jazzy Jeff (The Magnificent et sa suite), le dinosaure Marley Marl, DJ Spinna, le russe DJ Vadim, Nicolay (Here to There), Madlib (King of Wigflip en 2008), le français Clutch Player (si si, avec le très bon Atlantic Connections All-Stars) et même Will.I.Am ! quand il faisait encore des choses bien avec les Black Eyeds Peas (entendez par là, « avant Fergie »), etc.

Tous ces individus ont pour point commun d’avoir transité par BBE Records. D’autres albums ont marqué l’histoire du label, pas que des albums de beatmakers/producteurs, par exemple Connected, le premier album de Foreign Exchange, ou bien Then What Happened de J-Live.

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D’un point de vue qualitatif, nul doute que The Magnificent de DJ Jazzy Jeff fasse figure de classique aujourd’hui. Mais qui l’aurait cru à sa sortie ? Pourtant, dès la première écoute durant l’été 2002, cela parut comme une évidence que nous avions affaire à un coffre rempli de moult joyaux.

Alors… DJ Jazzy Jeff, Jazzy Jeff… ça ne vous dit rien ? Bon sang mais si vous le connaissez ! Vous vous souvenez de Jazz dans le Prince de Bel Air? Le mec des ghettos de Philadelphie qui se faisait éjecter de la maison par oncle Phil (RIP) ! Certes, peut-être que vous n’avez pas connu cette sitcom culte. Hé bien c’est de son premier album dont il s’agit. Bon, « premier » n’est pas tout à fait exact, au regard de sa discographie commune avec The Fresh Prince… plus connu comme étant la superstar Will Smith. En étudiant le dos du CD, on remarque plusieurs logos : l’écusson Beat Generation, Okayplayer (le label/forum/site Internet lancé par ?uestlove de The Roots) et A Touch of Jazz (ATOJ en abrégé), le label de notre DJ/producteur.

The Magnificent, c’est 80 minutes magiques de hip-hop/jazz, spoken words, de poésie, de soul, de Djing… le tout agencé avec élégance. « Da Ntro » n’est que le début du bonheur. Un sample de piano repris de « Butter » des Tribe Called Quest sur lequel deux maîtres de cérémonies, Baby Blak et Pauly Yamz, présentent notre hôte en ne manquant pas de citer des marques de matériel de DJ. Car oui, Jazzy Jeff est un vrai technicien, l’inventeur du ‘transform’ dans les années 80, une technique de scratch devenue standard dont il fait démonstration pour le refrain. L’art du scratch et son aspect technique ont une place de choix sur ce chef d’oeuvre qui en est truffé de partitions. Sur « Break It Down », c’est carrément un festival. Passé les excellents couplets du lunetteux J-Live, enchaînent aux platines une kyrielle de DJs : Spinbad, Excel, Obiwon, JaySki, Sat-One, Spin One, Avee, Kwestion, Dirty Ice, Soul 1 et les meilleurs pour la fin DJ Babu (des Dilated People), l’immense Q-Bert (créateur du ‘beat juggling’) et enfin un DJ Revolution impressionnant.

« For Da Love of Da Game », « Love Savior » (avec la rappeuse Flo Brown) et « My Peoples » permettent de réaliser à quel point DJ Jazzy Jeff est un incroyable beatmaker, capable de marier hip-hop et soul/jazz moderne à merveille. Encore plus sur « We Live in Philly » avec la somptueuse Jill Scott (qui était signée sur son label à l’époque), un beau conte sur les block party où l’on suit la cantatrice nusoul dans les rues de Philadelphie sur un sample rejoué de « We Live in Brooklyn, baby » de Roy Ayers (avec ?uestlove à la batterie et des arrangements de Larry Gold notamment). Mais en réalité, Jeff ne produit pas toutes les pistes, il est le chef d’orchestre de toute une équipe de talents à qui il délègue ci ou ça.

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Sur ce plan, The Magnificent est le théâtre de nombreuses révélations, trois sont clairement identifiées. Le premier est Kevin Brown, mais Kev Brown de la future clique Low Budget ça parle sûrement. Il conçoit à peu près la moitié des instrumentaux (le reste est entre les mains de P Smoovah, Kenwood…), ou devrai-je dire des pièces d’orfèvreries profondément jazz, avec ces infra-basses jouées comme de la contrebasse et ces vibes enivrantes. « Scram » avec Freddie Foxx (qui enterre les MCs dans une fosse commune), l’anti-stress « Shake It Off » feat Chef Word, « Know Your Hood » et un « How I Do » sublimé par Shawn Stockman des Boyz II Men, autant de coups de cœur qui marquent une maturité à coup sûr. On y découvre également le jeune Oddisee, qui rappe sur et produit « Muzik Lounge », idéal pour écouter tranquillement dans son salon. Enfin, Raheem DeVaughn, autre pièce indispensable, fait ses débuts ici en gérant quelques refrains (comme sur « We Are ») mais c’est sur « My Peoples » particulièrement qu’il montre qui il est réellement avec ses textes engagés et de quoi sa voix est capable.

Parmi les autres pépites de ce véritable trésor, pfiou… lesquelles choisir ? « A Charmed Life » plus jazz-rap que rap/jazz, dans le sens où la base est une composition de jazz servant de support au rap de J-Live qui nous décrit sa vie à New-York. De la place pour le soul hop « Rock Wit U » avec le chanteur (méconnu) Erro, « Mystery Man » avec The Last Emperor (un rappeur un temps proche d’Aftermath Records puis Rawkus qui a pratiquement disparu de la circulation) et le bouquet final, une tuerie de house music signée Masters At Work, avec ?uestlove à la batterie de nouveau et la voix rayonnante de V.

La musicalité des productions, même des scratches, cette ambiance unique, cette cohérence rare, atteignent une forme de perfection où les versets des nombreux rappeurs s’y glissent avec soin, peu importe si ce sont pour la plupart d’illustres inconnus comme des futures vedettes. The Magnificent est tel que son nom l’indique, en tournant le nominatif à l’adjectif : magnifique.

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Article écrit par Sagihiphop.

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