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Clash, autotune, scandale : comment « Fatal » a anticipé le rap de 2017

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Réalisé en 2009 par Mickaël Youn, le film qui visait à caricaturer la culture rap prend une tournure particulièrement significative en 2017.

Mickaël Youn, connu pour ses frasques et son humour déjanté, a percé brièvement la sphère musicale avec son personnage satirique : Fatal Bazooka. Reprises de musique timbrées, paroles originales complètement WTF, featurings improbables et Planète Rap insensés, l’humoriste détourne brillamment les codes d’un style musicale en pleine expansion. Il en vient même à pulvériser ses stéréotypes, avec un personnage extravagant, reconnaissable entre mille avec ses chaînes en or et son éloquence digne d’une cour de primaire.

Bref, face au succès de sa double casquette, Mickaël Youn exporte son projet sur grand écran en 2009 avec Fatal.  Pour rappeler brièvement le scénario, Fatal Bazooka, alors star emblématique du rap hardcore, connaît une baisse de régime en dépit d’un chanteur « électro-bio », Chris Prolls. Ivre lors d’une cérémonie musicale, le rappeur se ridiculise et doit retrouver ses racines savoyardes pour « prendre sa revanche ». Evidemment, tout ceci est aisément relevé par l’humour trash et provocateur de Mickaël Youn. Le film connut un succès commercial remarquable avec 1.2 millions d’entrées.

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Une influence sur le rap ?

Alors qu’il se moque tout naturellement d’une culture rap « bling-bling », Mickaël Youn se montre particulièrement incisif envers la mentalité des rappeurs. Evidemment, tout ceci n’est qu’une caricature, mais le fond du film, huit ans après, prend une connotation différente aujourd’hui. Comment critiquer l’apparence hyper-matérialiste de Fatal Bazooka quand elle peut se reconnaître dans 95% des clips hip-hop américains ? Femmes en bikini, dents plaqués or, voitures bodybuildés : tout est passé au crible, et de manière parfaitement légitime. Les rappeurs actuels surfent sur ces éléments car ils font vendre. Pour autant, les premiers rappeurs doivent se crever les yeux, eux qui prônaient le caractère parfaitement anticapitaliste du rap originel.

Youn souligne aussi l’inculture de son personnage, sa facette écervelée qui façonne ses textes. Encore une fois il s’agit là d’une caricature plutôt irréaliste. Par contre, en parallèle, on peut mettre en évidence deux éléments. Le premier : les paroles trash, les punchlines hardcore qui dessinent les textes de nombreux rappeurs de premier rang : Kaaris, Booba, Damso etc. De plus, les clips de ces rappeurs très « bling-bling » appuient fermement le paragraphe précédent. Enfin, le second élément est l’importance moindre accordée aux textes par les rappeurs actuels. En fait, le rap devient plus « mainstream » et la forme supplante le fond jusqu’à limiter au strict minimum l’écriture. Tout ceci n’est qu’une vague généralisation, contrée par les plumes affûtées de nombreux paroliers.

Fatal et l’inquiétante prophétie

Au milieu de tout ces stéréotypes bien placés, Mickaël Youn a anticipé l’immense démocratisation du rap ces dernières années. En outre, les rappeurs sont partout et inondent la musique française : radio, télévision et désormais dans les récompenses musicales. Evidemment, les paroliers au premier rang sont moins « trash » que pouvaient l’être Fatal Bazooka, même si la plupart des rappeurs jonglent avec deux facettes (hardcore et mainstream).

Fatal, vulgaire à souhait, est pourtant la référence musicale de la France fictive du film : explosant les ventes et omniprésent pour les ondes. Une petite comparaison contemporaine ? Jul peut-être, bien que l’on puisse remplacer la brutalité par des paroles simplistes et décontractées. Et si Fatal Bazooka était en fait une vague anticipation de Jul ? On préfère vous laisser cogiter sur cet étrange débat…

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Par contre, il semblerait que le film comique ait prédit un autre phénomène : le clash et le marketing qu’il engendre. Evidemment, les clashs dans le rap sont bien plus vieux que le personnage de Youn. Cependant, trois ans après la sortie de Fatal, les deux grosses pointures du rap de l’époque, Booba et Rohff, se lancent dans un clash interminable. Frasques, joutes par médias interposés, scandales : les deux rappeurs entraînent la sphère hip-hop dans un gigantesque combat de coq. Encore aujourd’hui, le duel entre les deux mastodontes français a quelques retombées médiatiques alors que Kaaris ou La Fouine ont rejoint la partie.

Ainsi, tandis que les clips de Fatal nous paraissent ridicules et que le clash final est plus drôle que violent, quid de nos rappeurs actuels ? Et si ceux-ci se caricaturaient eux-mêmes pour répondre à un ensemble de critère indispensable au milieu ? Après tout, le hip-hop ne déroge pas à la règle : business is business comme disent-ils outre-Atlantique. Et si Mickaël Youn n’était en fait qu’un visionnaire ?

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