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Quelle histoire se cache derrière Awaken, My Love ?

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Deux semaines après la sortie du dernier album de Childish Gambino : Awaken, My Love, penchons-nous sur le scénario qui pourrait se cacher derrière ce projet musical.

Afin d’analyser avec sérieux l’excellent Awaken, My Love, il est important de partir des informations factuelles sur lesquelles il est possible de s’appuyer. Tout d’abord, Donald Glover, de son vrai nom, a eu la joie de voir naître son premier enfant durant l’année 2016. Il est clair à la première écoute que la paternité est un facteur essentiel de cet album. Ensuite, nous savons que Childish aime cacher des éléments d’histoire plus complexes qu’ils n’y paraissent derrière ses projets. Par exemple, Because The Internet était accompagné d’une trame scénaristique de plus de 70 pages qui apportait quelques éléments de réponse quant à l’histoire du projet tout en laissant une place importante à l’imagination. Pour rappel, nous suivions une tranche de vie de « The Boy », un personnage principal au nom et background inconnus. Voici donc les connaissances qui doivent être à la base de toute réflexion sur Awaken, My Love. A l’heure actuelle, les théories les plus populaires sur internet sont que l’album est un hommage de Childish à son père ou bien l’album qu’il veut offrir à son enfant afin qu’il écoute la même musique que lui.

Et si la réalité était un peu plus complexe que cela ? S’il se cachait derrière cet album une histoire plus travaillée qu’un simple album hommage ? Avant de vous présenter cette théorie, gardez quelques paramètres en tête. Cette approche n’est qu’une possibilité et pas nécessairement la plus probable. Elle apporte cependant une grille de lecture différente et intéressante, permettant d’accéder à une expérience originale pour l’auditeur et d’aborder le projet d’un angle différent.

L’idée serait la suivante : Awaken, My Love est le prequel de Because The Internet. Cette fois-ci, nous n’écouterions pas l’album du point de vue de The Boy, mais de celui de son père. Plus précisément, l’album couvrirait le laps de temps passé entre la conception de The Boy et sa naissance, tout cela vécu par le père. Le premier élément qui corroborerait cette hypothèse est la sonorité des deux albums. Because The Internet était extrêmement moderne, marqué dans l’ère de son temps, presque futuriste par ses sonorités. Or, Awaken, My Love nous offre un style funkadelic, populaire dans les années 70/80, soit un peu plus d’une trentaine d’années avant la naissance de The Boy. Si nous rapportons cela aux informations qui nous étaient fournies par le scénario de 2013 sur l’âge approximatif de The Boy, ce mouvement correspond bien à la musique qui était populaire à sa naissance. Ce serait donc la musique que le père écoutait, ce qui serait la raison pour laquelle l’album, vécu du point de vue du père, revêt cette sonorité.

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Essayons à présent de confronter cette théorie à chaque chanson de l’album. Comme il a été dit auparavant, le point de départ serait la conception de The Boy. L’introduction de l’album, « Me And Your Mama », confirmerait cette hypothèse par sa structure et son contenu. Le son commence de manière très calme, posée, il prend son temps. Ce début pourrait représenter les préliminaires entre le père et la mère. Ils ont fumé un peu auparavant (« Je suis amoureux quand on fume de l’herbe« , la ligne est répétée de nombreuse fois) et sont donc tous les deux dans un état de plénitude.

« C’est la fin de nous deux, qui dormions sous la lune et les étoiles »

Or, à partir de 2:02, l’instrumentale change radicalement. Ici, les deux amoureux seraient en train de… Bon, vous n’avez peut-être pas besoin de dessin. La manière de chanter est plus sauvage, animale, spontanée. Néanmoins, ce ne sont pas des parties de jambes en l’air classiques, et les paroles nous le montrent : « Laisse moi rentrer dans ton coeur », « Tu sais que je t’aime donc laisse moi entrer en toi » et plus précisément « C’est la fin de nous deux, qui dormions sous la lune et les étoiles ». Cette dernière ligne prouveraient que les deux amants vont devoir changer leur style de vie, car cette fois-ci ils veulent procréer. Avant, ils étaient libres, ils passaient leur temps en couple comme ils le désiraient, ils pouvaient vivre des expériences avec spontanéité. Or, l’arrivée d’un futur bébé changerait la donne, ils vont devoir planifier plus de choses et vivre avec plus de contraintes. Le sérieux de leur relation est prouvé par « Je t’aime vraiment » et « Je suis vraiment à toi, ce n’est pas qu’une petite amourette ». A partir de 4:09, l’instrumentale devient beaucoup plus calme et les paroles disparaissent. Une fois qu’ils ont fait leur petite affaire, ils sont dans un état de grand calme et plus aucune pensée ne traverse leur esprit. Pour conclure, la connexion avec le titre de la chanson est évident : « Me And Your Mama », il raconte à son fils, The Boy, la nuit de sa création.

Le prochain titre est « Have Some Love ». Ce morceau est résolument optimiste, ce qui collerait parfaitement avec l’état d’esprit dans lequel le futur père pourrait être. Il vient d’apprendre qu’il va être père, il voit le bon côté des choses partout, il se sent capable de réussir l’impossible et souhaite l’unité entre ses « frères ». Pour faire court, il n’est qu’amour et souhaite que son fils naisse dans le meilleur monde possible : « Il y a un grand monde ici, il faut que je m’implique / Il faut que l’on améliore cela ensemble ».

Ensuite, « Boogieman » traite principalement de la difficulté d’être afro-américain aux États-Unis. Le propos est le suivant : une personne noire est toujours perçue comme coupable d’un crime, même si elle ne fait rien de menaçant et qu’elle apparaît innocente. Ici, le futur père se rend compte que le monde dans lequel va naître son fils sera un monde dangereux pour ce dernier. A cette époque-là, les tensions raciales étaient très présentes, encore plus qu’actuellement.

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« Vous sentez-vous vivant ? »

Dans « Zombies », le protagoniste principal nous parle de personnes dans son entourage qui voudraient profiter de sa réussite, tel des zombies avançant sans but précis à part aspirer la vie hors des gens qu’ils rencontrent. D’après ce que nous savons sur le père de The Boy dans le scénario de Because The Internet, c’était un homme extrêmement riche, probablement un homme d’affaires. Cette stature correspondrait alors à cette chanson, la richesse étant généralement synonyme de jalousie et de personnes voulant en profiter. Il met également son futur enfant en garde « Tu verras qu’il n’y a jamais d’endroit sûr où se cacher ». Le futur père demande aux « zombies » qui profitent de son argent, « Vous sentez-vous vivant ? », une question qu’on pourrait poser à de réels zombies qui se nourrissent de cœurs pour au final ne jamais redevenir des êtres vivants. Ici, ses détracteurs prennent son argent et en veulent toujours plus sans jamais être satisfaits.

« Riot » nous ramène dans l’esprit d’une personne afro-américaine souhaitant se révolter contre le système de ségrégation aux USA : « Ils ont essayé de nous tuer / Ils adorent dire qu’ils nous aiment bien / Mais ils n’auront pas ma fierté ». Le personnage principal réfléchit encore une fois sur la situation aux États-Unis et le monde dans lequel va naître son fils, sentant qu’il y a besoin d’une révolte.

https://www.youtube.com/watch?v=Aud86OSqQ1w

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« Redbone » nous offre un morceau d’apparence plus léger mais au fond très sombre. Effectivement, le futur père soupçonne sa femme de le tromper : « Je me lève en sentant que tu n’es pas honnête / Avant je savais, mais maintenant quelque chose ne va pas » et « Reste en alerte / Il y a des gars qui attendent la moindre occasion / Ne ferme pas tes yeux ». Il souhaite toutefois que leur relation reparte du bon pied : « Si tu le veux / Tu peux m’avoir / Si tu en as besoin / On peut y arriver ». Il finira en se demandant « Comment est-ce que ça a pu devenir aussi scandaleux ? ».

Cette occasion sera saisie par sa femme : dans « California », ils déménagent, vous l’aurez deviné, en Californie. Notons qu’on colle toujours au scénario de Because The Internet, où The Boy vit à Los Angeles. Pour en revenir à cette chanson, elle est cette fois-ci résolument plus dansante par sa sonorité. Elle raconte l’histoire typique d’un couple qui souhaite déménager en Californie : elle souhaitait devenir une actrice et traîner avec des gens célèbres, il souhaitait la rendre heureuse et se faire de l’argent, pour au final ne récolter qu’une situation financière précaire pour tous les deux. Cette chanson sert surtout de décalage par comparaison avec la suivante. C’est d’ailleurs la seule chanson de l’album qui finit de manière quasi-abrupte, sans fondu.

« Tu sais que tu es celui qui est terrifié »

« Terrified » nous met dans l’ambiance d’un danger qui guette : « Tu sais que tu es celui qui est terrifié ». C’est ici que nous ressentons le choc par rapport au morceau précédent : eux qui étaient avant insouciants grâce à leur déménagement, ils sont maintenant effrayés par cette vie. On peut également interpréter cette chanson d’une manière différente : le terme de la grossesse se rapproche et le futur père a peur de se dire que tous leurs bons moments en couple sont sur le point de toucher à leur fin. Il veut fuir la situation : « Cache toi », et il sait qu’il est le seul du couple à avoir peur : « Tu sais que tu es celui qui est effrayé ». A la fin, la voix enfantine qui chante pourrait être la représentation subconsciente de son futur enfant : « Non, je t’en supplie / Tu ne peux pas me fuir / Tu ne peux pas te cacher de moi ». L’enfant ne souhaite pas grandir sans son père.

« Petites mains, petits pieds / Petit coeur, petit battement »

« Baby Boy » nous amène enfin au moment tant attendu : après les 9 mois de grossesse écoulés dans l’album, The Boy est né. Des sentiments opposés se mélangent. « Petites mains, petits pieds / Petit coeur, petit battement », il est en admiration devant son fils qui vient de naître. Toutefois, il a peur que sa femme le quitte et l’empêche de voir son fils à cause de leur passif douloureux : « Je ne veux pas te quitter, je ne veux pas te décevoir / Mais maman a pleuré à cause des mensonges de papa / S’il te plaît maman ne l’emmène pas / Ne l’emmène pas loin de moi / Car j’en ai eu assez / N’enlève pas mon garçon / N’enlève pas ma joie et ma fierté ». On voit également que la relation entre les deux amoureux était très compliquée : « Cet amour pour moi disparaît / Tu as attendu, mais je ne suis jamais venu te rejoindre à la maison / Je n’ai jamais menti à propos de nous deux / Nous n’étions pas censés être ensemble ». Il panique à l’idée qu’elle pourrait le quitter et obtenir la garde à temps plein de l’enfant : « S’il te plaît, ne l’emmène pas / Tu dis que tu ne le feras pas mais tu le feras, oui tu le feras ». A la fin de la chanson, il parle directement à son enfant : « Il y avait un avant ta naissance / Et il y aura un après / Même si ces corps ne sont pas les nôtres / Marche avec fierté, petit gars, marche avec fierté ». Il conclut en criant « Laisse moi te tenir dans mes bras ».

« The Night Me And Your Mama Met » est une chanson entièrement instrumentale qui colle bien à la situation. Une fois son enfant né, le père se souvient de la relation avec sa femme et plus particulièrement de la soirée où ils se sont rencontrés. La musique nous fait d’ailleurs parvenir de émotions progressives : on démarre par une musicalité calme et joyeuse, pour arriver peu à peu à une instrumentale plus lancinante, agressive, hachée, nous montrant la douleur ressentie par le couple à cause de cette relation conflictuelle et remplie de mensonges mutuels.

« Si tu es fort, tu ne tomberas pas »

« Stand Tall » est le seul morceau que nous entendons où The Boy est le protagoniste. C’est d’ailleurs la seule où Childish chante avec une voix plus normale que le reste de l’album, montrant le changement de perspective. On a ici l’enfant devenu adolescent : « Je me sens comme un enfant, si jeune et nouveau en 1992 / J’écoutais ce que mon père disait ». Les paroles de son père, prodigués comme des conseils : « Garde tous tes rêves, continue d’être fier / Si tu es fort, tu ne tomberas pas / Il y a une voix à l’intérieur de nous tous / Donc souris pendant que tu le peux ». Dans le deuxième couplet, The Boy est sujet à des émotions plus sombres (un aperçu du personnage rempli de conflits intérieurs que nous suivrons dans Because The Internet), mais sa mère lui prodigue les mêmes conseils avec le deuxième refrain. Le troisième couplet pourrait être le dernier testament de son père, qui mourra alors que The Boy est un jeune adulte : « Il y a plus que ce que tu peux voir / Je suis de ton côté / Il y en a plus ici que tu ne le crois / Et quelqu’un tient à toi / C’est moi ».

Voilà donc une théorie possible quant à l’histoire de Awaken, My Love. Encore une fois, il est tout à fait envisageable que cet album ne soit qu’un projet plus léger qui est simplement un CD que Donald a souhaité créer pour son fils. Les deux protagonistes peuvent très bien être Childish et la mère de son enfant. Toutefois, nous espérons que cette approche un peu particulière saura piquer la curiosité des fans en creusant la continuité par rapport à Because The Internet. Dans tous les cas, appréciez cette expérience musicale de la manière qui vous satisfait le plus.

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