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Lido : « Chance The Rapper est la personne la plus talentueuse du monde »

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Producteur, performer, remixeur, le norvégien Lido sait tout faire. Nous l’avons rencontré quelques heures avant la soirée New Jack Swing organisée à La Place. Un événement lors duquel il présentait en avant-première son nouveau clip sorti aujourd’hui, « Never Enough ».

Le producteur norvégien Lido était de passage à Paris, au centre culturel hip-hop de La Place pour animer une soirée New Jack Swing le mercredi 28 juin 2017. Ce style musical très coloré mêlant hip-hop, R&B & danse, c’est ce qu’il sait faire de mieux. Il le compose, mais le chante aussi. Avec deux projets au compteur, dont son premier album Everything, le beatmaker aux multiples casquettes a su en quelques années, se forger un univers bien à lui. Au point qu’il tapera dans l’œil de Chance The Rapper, qui le sollicitera à la production de sa mixtape mainte fois encensée, Coloring Book. Pour parler de tout ça, de ses projets, de ses expériences, mais aussi de l’influence de Kanye West, nous sommes allés à sa rencontre.

2HIF : Salut Lido. Commençons simplement histoire de cerner un peu mieux ton univers. Comment tu as attrapé le virus du hip-hop ? C’est la musique de ton enfance ?

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C’est simple, mais c’est une bonne question. Et bien, quand j’étais petit, mon père écoutait énormément de gospel et de R&B donc naturellement, il m’en faisait écouter beaucoup. C’est vraiment mes premiers amours avec la musique. Plus tard, quand j’avais 9 ou 10 ans, j’ai rencontré un gars à l’école, il venait de Chicago et avait déménagé dans ma toute petite ville de Norvège. Comme j’étais le seul à parler parfaitement anglais chez moi, tous les enseignants me disaient de devenir ami avec lui. Du coup, on a sympathisé et il m’a fait découvrir la musique de chez lui, particulièrement le hip-hop. C’est là qu’il m’a fait écouter le premier album de Kanye West, un classique. (The College Dropout NDLR). Sur ce disque, on retrouve énormément de samples de R&B et de gospel et je me suis retrouvé là-dedans.  Ce n’est qu’après que j’ai découvert des artistes comme Snoop Dogg, Big Tymers ou Outkast. Disons que c’est vraiment ce projet qui a été ma porte d’entrée vers le hip-hop, après ça s’est développé naturellement. J’ai appris à jouer du piano et de la batterie en autodidacte, et c’est là que j’ai commencé à composer mes premières instrus.

On gros, on peut dire que tes débuts dans la musique étaient un vrai melting pop !

Oui, c’est le mot parfait, c’est exactement ça !

Tu parles des samples gospels de The College Dropout, mais il y en avait beaucoup aussi dans The Life of Pablo. C’est un projet qui t’as inspiré au point que tu en as livré toi-même ta propre version du projet au blender, Life of Peder. C’est bien ça ?

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Oui c’est vrai ! Je pense que TLOF était parfait pour moi parce que c’est une image brute de l’esprit de Kanye quand il dit : « Je veux faire ce que je veux de la manière que je veux ». J’ai trouvé ça super cool. J’étais dans mon avion de Oslo à Los Angeles quand j’ai écouté l’album pour la première fois et dès les premiers sons, je me suis dit que je devais remixer cet album. Je ne savais pas encore quelles chansons choisir puisque tout l’album était très riche, mais finalement, j’ai commencé à travailler dessus. D’abord, j’ai remixé les quatre premiers morceaux dans l’ordre, puis après j’ai commencé à en combiner certaines entre elles. Ce n’est qu’après que j’ai eu l’idée de combiner le projet en entier dans un seul mix. On peut dire que c’était un accident je suppose.

Parlons maintenant de son premier album sorti en octobre 2016. Son titre « Everything » peut évoquer de nombreuses choses à l’auditeur. Qu’est-ce qu’il voulait dire pour toi ? Quel message voulais-tu transmettre à ton public ?

Hum.. Comment expliquer… ? Disons que je voulais montrer aux gens tout (everything) ce que je savais faire. C’est un album avec énormément d’influences différentes. Certains sont très hip-hop, d’autres sonnent plutôt électroniques et d’autres sont uniquement composés de piano etc… C’était aussi pour montrer tout ce que j’aimais et dans le même temps, ça raconte l’une de mes histoires d’amour. Everything exprime le fait de devenir accro à une personne, lorsque celle-ci est devenu tout pour moi.

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Mon album est très émotionnel, c’est comme un voyage.

À l’écoute de ton album, c’est vrai qu’on est confronté à de nombreux sentiments et émotions au travers de tes diverses influences. Cette histoire d’amour dont tu parles est un moment difficile de ta vie si je ne me trompe pas.

Absolument. Cet album, c’est le procédé qui consiste à rebondir après la fin d’une relation. Il représente à la fois ce que je suis, mais aussi tout ce que j’ai dû surmonter pour oublier une personne qui était tout pour moi. C’est très émotionnel, comme un voyage. Quand tu es confronté à ça, tu ne t’y attends pas. Dans un premier temps, tu ressens une profonde tristesse, ensuite de la colère, tu te sens confus, c’est effectivement beaucoup d’émotions. Je voulais avant tout écrire un album dans lequel j’ai laissé s’exprimer mes émotions. Je ne voulais pas y exposer ma relation amoureuse, mais simplement expliquer le procédé émotionnel qui est arrivé après.

Du coup, je suppose que de le sortir t’as permis de sortir la tête de l’eau ?

Exactement, c’était vraiment une thérapie pour moi.

Faire remixer ces morceaux, c’est surtout laisser libre cours à d’autres idées.

Retour au début de cette année. Tu as sorti une version deluxe de ton projet avec 11 remix supplémentaires. C’était pour donner un second souffle à ton projet ?

Oui c’est ça, mais surtout pour laisser libre cours à d’autres idées. J’ai la chance d’avoir de nombreux amis très talentueux dans la musique, alors j’ai choisi de les solliciter, c’était très important pour moi. Je leur ai demandé d’interpréter mon album chacun à leur façon parce que le premier était vachement centré autour de ma personne, tu vois ce que je veux dire ? C’est ce que je ressens moi, ce que je peux faire moi, ce que j’aime moi. Moi, moi, moi, moi, toujours moi. Du coup, j’ai abordé ça comme une expérience. Je voulais voir ce que ça donnerait si je laissais d’autres artistes exprimer mes idées à ma place.  Tu sais, pour moi qui suis un remixeur et qui vient de cet univers, j’en ai fait beaucoup et j’aurais trouvé ça étrange de remixer moi-même mon projet.

Pendant mon show à Coachella, mon père était dans le public !

En Avril 2016, tu a eu l’honneur de jouer ton album Everything en intégralité sur la mythique scène du festival Coachella. J’imagine que c’était une super expérience pour toi ?

(Soupir) C’était fou… Complètement fou ! On a joué l’album de bout en bout, du premier au dernier morceau alors qu’il n’était même pas terminé.

Comme Kanye pour Yeezy Season 3 !

Ouais en gros ! (rires) Enfin, pour moi c’était fantastique, j’étais très ému. J’étais seul sur scène devant le public et j’étais entouré d’instruments. J’arrêtais pas de courir entre les instruments, piano, batterie, chant… C’était fou, mais à la fin, j’étais complètement crevé avec toutes ces émotions. Je me rappelle aussi que mon pote Jaden Smith est venu partager la scène avec moi le temps d’un morceau. Ouais, c’était vraiment l’expérience la plus dingue de ma vie.

Quel regard tu portais sur ton public à ce moment-là ?

C’était vraiment très intéressant parce que mon père était dans le public pour me voir jouer. Je le savais, mais c’était intéressant parce que je ne voyais personne en particulier. J’étais dans ma bulle, submergé par l’émotion. Mon père m’a raconté que tout le monde sautait, dansait et faisait la fête pendant ma performance. Il m’a même dit qu’il en avait vu pleurer. Pour ma part, je pense que beaucoup ont été surpris de ce qu’ils ont vu. C’était un peu comme une listening party, je jouais ma musique pour eux, et juste pour eux. C’était très spécial, je me sentais en connexion avec mon public.

Parlons maintenant de l’un tes plus gros faits d’armes : tu as bossé avec Chance The Rapper. Tu seras sans doute ravi d’apprendre que mon morceau préféré de Coloring Book est « Same Drugs ». Tu as aussi produit son single « Angels ». Raconte-nous ce que ça fait de bosser avec quelqu’un comme lui, qu’est-ce que tu as ressenti ?

C’est vrai ? Moi aussi ! (rires) Chance est incroyable, il est l’un de mes artistes favoris et l’un des meilleurs du monde. Je me suis senti vraiment béni de pouvoir travailler avec lui. Je pense qu’on est vraiment connecté parce qu’on aime tous les deux le gospel et qu’on vient du même milieu. Sur Coloring Book, avec ceux qui étaient impliqués sur le projet, on a vraiment tous bossé ensemble, comme si nous étions un grand groupe. Chacun pouvait donner son opinion sur le travail des autres et donner des suggestions. Pour ma part, j’ai bossé sur la production de quelques morceaux avec The Social Experiment (« Same Drugs » & « Angels » NDLR), mais toute l’équipe a aidé en tout. C’était vraiment comme une famille qui faisait de la musique ensemble, dans la bonne ambiance. C’est une façon très spéciale de faire de la musique. C’est très différent de la plupart des rappeurs. Je pense vraiment qu’il est la personne la plus talentueuse du monde.

Chance est mélodieux et a des paroles très intelligentes, mais Kanye a les idées les plus dingues du monde.

Plus que Kanye ? (Rires)

Oh mon dieu, merci ! (rires), c’est impossible de répondre à ça ! Ils sont différents. Kanye est un génie complètement fou et Chance est vraiment, vraiment bon. C’est son fils spirituel. Chance est mélodieux et a des paroles très intelligentes, mais Kanye a les idées les plus dingues du monde.

Pour ton travail sur Coloring Book, tu as aussi gagné un Grammy Award. En tant que producteur associé. Qu’est-ce que cette récompense représente pour toi ?

C’est un honneur et celui-ci est d’autant plus grand que Coloring Book est la première mixtape de l’Histoire à avoir remporté un Grammy. On espère vraiment que cela influencera le futur de la musique. On espère que ça aidera à lui donner la place qu’elle mérite. Oui, c’était très excitant.

T’es toujours en contact avec lui ?

Oui bien sûr ! En ce moment, je sais qu’il bosse sur son prochain projet. Qui sait ce que ce sera, un album ou une mixtape ? Je ne sais pas encore, mais je sais qu’il est en studio. On a beaucoup de sons qui n’ont pas encore été dévoilés, mais tu sais jamais à l’avance si ces morceaux seront retenus, ni qui figurera dessus. Ca dépend de l’inspiration. C’est un business imprévisible !

C’est très inspirant de travailler avec des rappeurs français.

Après avoir bossé avec des grands noms du hip-hop et de la pop comme Ariana Grande, Ludacris & Chance Rhe Rapper, je suppose qu’il y a plein d’autres artistes avec lesquels tu voudrais bosser ?

Oui, il y en a tellement. J’aimerais bosser avec des artistes très différents les uns des autres. J’ai pas de genre particulier non plus, car je pense que je peux bosser avec n’importe qui. Après il y en a quand même avec qui j’aimerais travailler : je pense à Frank Ocean, Outkast, mais aussi avec la chanteuse française Camille. Je voudrais aussi bosser avec des artistes country et jazz. L’année à venir, je vais commencer par produire davantage pour les autres et ensuite, je verrai pour ce qui est de poser ma voix. On verra bien de quoi l’avenir sera fait.

Et il y a des rappeurs français avec qui tu voudrais collaborer ? J’ai entendu dire que t’étais déjà en contact avec certains d’entre eux ?

Ouais, j’ai déjà fait quelques sessions studio avec des rappeurs français, je ne sais pas si je peux donner des noms, je suis désolé. Je peux juste te dire que j’ai enregistré des titres avec Take A Mic, et il est très bon. Comme je te disais, c’est un business imprévisible ! (rires).

Cela dit, c’est très inspirant et très drôle de bosser avec des gens qui rappent en français. Comme je ne comprends pas la langue, ça me permet de me concentrer non sur les paroles, mais seulement sur la mélodie et les émotions au travers de la musique. C’est un véritable challenge pour moi. Je suis très excité et ces collaborations seront énormes !

Pour moi, 808 & Heartbreak est le projet le plus important de Kanye West.

Revenons à Kanye : dans quelles mesures tu penses qu’il a influencé l’évolution du hip-hop ?

Normal, on en revient toujours à Kanye ! (Rires). Je pense que c’est un génie par bien des aspects. Ce que je trouve fascinant chez lui, c’est la manière dont il a changé les sonorités du hip-hop, et ce tellement de fois. Par exemple, sampler du R&B ou de la Soul ne se faisait pas vraiment à l’époque. Enfin, ça se faisait, mais les morceaux tombaient vite dans l’oubli. Avec The College Dropout & Late Resistration, lui a vraiment popularisé ça.

Exactement pareil avec 808 & Heartbreak. Je pense que c’est la chose la plus importante qu’il n’ait jamais faite. Il a été le pionnier dans beaucoup de choses, mais avec ce projet, c’était la première fois qu’un rappeur se montrait émotionnel et vulnérable. À ce moment-là, les rappeurs étaient encore très machos, très « c’est moi le plus fort ». D’autre part, il chantait, et ça, c’était encore très rare dans le rap en 2008.

Il y a l’autotune aussi.

Pareil pour l’autotune oui, même si Lil Wayne explorait aussi cet outil, il le faisait différemment. Kanye lui, l’a popularisé. Je suis sûr que s’il ne l’avait pas fait, il n’y aurait pas autant d’artistes qui l’utiliseraient aujourd’hui. Pareil, s’il n’y avait pas eu cet album, je ne suis pas sûr qu’on aurait eu des gars comme Travis $cott, Drake ou Kid Cudi. Toute cette génération de rappeurs « doux et mélodiques », c’est totalement à l’opposé de ce que les gens pensaient être du hip-hop à l’époque. C’est pour ça que je pense que 808 & Heartbreak est son projet le plus important.

Je te rejoins complètement ! D’ailleurs, je suis content d’entendre ça parce qu’aujourd’hui, j’entends encore beaucoup de gens dire que c’est son pire album. 

Et pourtant, l’art c’est ça justement : savoir être provocant, surprenant et surtout, oser le changement. Les gens disent toujours du mal des choses qu’ils ne comprennent pas. C’est vrai qu’il a fallu du temps pour que certains comprennent là où Kanye voulait nous emmener avec cet album.

Tu penses que ça sera pareil pour Yeezus ? Beaucoup ne l’ont pas apprécié à sa sortie.

Contrairement à 808 & Heartbreak, où tu peux te reconnaître dans les chansons, penser à ta copine et ressentir une certaine mélancolie quand tu l’écoutes au casque en marchant dans la rue, avec Yeezus, je pense qu’il y a une différence. Cet album, c’est plus une galerie d’art, quand tu l’écoutes, c’est comme si tu regardais une peinture sans pouvoir la toucher. L’auditeur ne fait pas qu’un avec l’oeuvre d’art, il y une distance entre les deux. Je pense donc que cet album n’aura pas autant d’impact que 808 à cause de ça c’est vrai. Mais encore une fois, Kanye a été le premier a explorer ce genre de sonorités. Je suis persuadé que Yeezus n’est plus aussi étrange dans les esprits, qu’il ne l’a été à sa sortie.

J’ai une idée de ce à quoi ressemblera mon prochain projet, mais je ne sais absolument pas quand il sortira.

Arrêtons de parler de Kanye et parlons de ton avenir maintenant. Tu as déjà commencé à bosser sur ton prochain album. Tu peux nous en dire plus ? Tu as déjà trouvé le concept ? Et des collaborateurs peut-être ?

Oui je travaille encore dessus en ce moment. D’ailleurs, ma manager n’arrête pas de m’appeler « Le roi qui sait jamais se décider » parce que j’ai plein d’idées et je n’arrête pas de changer d’avis (rires). Mon album pourrait être 3 EP simultanément, un morceau de deux heures, un album sur lequel je chante beaucoup, un album sur lequel je ne chante pas du tout… Je ne sais pas encore. En ce moment, je me contente de faire beaucoup de musique, d’explorer, d’expérimenter et de collaborer avec de nombreux artistes pour savoir si j’arrive à trouver quelque chose de spécial. Bon, j’ai quand même une idée de ce à quoi ressemblera mon prochain projet, mais je ne sais absolument pas quand il sortira.

Je pense vouloir quelque chose de plus émotionnel et probablement que je chanterais plus moi-même. Je pense être prêt pour ça, mais qui sait, ça peut changer très vite.

Pour les featurings, j’en veux beaucoup, mais ils ne seront pas choisis au hasard. Quand je travaille avec un artiste, on fait plein de chansons, mais parfois, il y en a qu’une dans le lot pour laquelle je me dis : « Ok, cette chanson est faite pour toi,  je veux qu’elle soit sur mon album ». Je vais prendre mon temps pour réfléchir, j’ai encore le temps de changer d’avis.

« Not Enough » en est le premier extrait ?

Non, c’est juste un titre promotionnel. C’est juste un morceau « fun » que j’ai fait avec THEY. On est fans de New Jack donc on a simplement voulu rendre hommage à ce courant musical. En l’écoutant, on s’est dit qu’il n’était pas fait pour mon album, ni pour le sien, mais on avait quand même envie de le sortir. On a fait le clip, on verra bien ce que les gens vont en penser.

Toujours est-il qu’en écoutant ce morceau, on sent des vibes beaucoup plus « joyeuses » que sur tes précédents projets. J’imagine que tu te sens bien mieux aujourd’hui ?

Ouais, je me sens bien mieux dans ma vie que lorsque j’ai sorti Everything et je suis content que ça se ressente !

Finalement est-ce que ce n’est pas ça être un artiste ? On en a jamais assez, on en veut toujours plus, aller toujours plus haut et plus loin ?

C’est clair, on en a jamais assez. Il n’y a jamais assez de musique, jamais assez de collaborations. Il y a toujours des opportunités et on a encore beaucoup de travail à faire ! (Rires)

Vous pouvez retrouver l’album Everything de Lido ci-dessous.

Propos recueillis par Jérémie Léger.

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