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[Partie 2] Pumpkin & Vin’s Da Cuero « La musique est une arme, une force incroyable »

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[PORTRAIT] Les destins liés de Pumpkin & Vin's Da Cuero

De retour avec Pumpkin & Vin’s Da Cuero. Pour cette seconde partie de l’interview, nous avons discuté de leurs références en matière de hip-hop, mais aussi de nombreuses questions de société qui leur tiennent à cœur.

Si vous vous êtes imprégné de notre portrait croisé du duo, vous savez sans doute que si Pumpkin s’est tourné vers le rap, c’est grâce à l’influence d’un certain MC Solaar. Artiste de référence auquel elle a souhaité rendre un vibrant hommage en musique. C’est ainsi qu’en 2014, Pumpkin & Vin’s se lancent à deux dans une reprise du titre phare du rappeur, « Nouveau Western », qu’il réadapteront à leur sauce. De nouveaux samples utilisés par le producteur et seize mesures ajoutées par la rappeuse.

2HIF : Peu de temps après avoir sorti le remix de « Nouveau Western », Solaar l’a écouté, apprécié et vous vous êtes rencontrés. Depuis ce moment, votre relation a-t-elle évolué ? Aurions nous une chance un jour d’écouter un son de Pumpkin & Vin’s Da Cuero featuring MC Solaar ? 

Pumpkin : Oui on s’est recroisé à plusieurs occasions, mais pas dans une optique de collaboration. En plus, à chaque fois qu’on se rencontrait, c’était dans des endroits blindés de monde, du coup sans la possibilité d’avoir de réelles conversations. Je ne te cache pas que j’ai ce fantasme-là. Mais j’ai presque envie que ça reste au  stade du fantasme, je veux dire par-là que Solaar est un artiste très particulier qui aujourd’hui n’est plus celui qu’il était en 1992. Du coup, il est possible que ce soit décevant.

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Vin’s Da Cuero : On a eu cette discussion avec 20syl au moment où nous enregistrions le morceau » Fifty, Fifty ». Le fait que tu puisses être déçu par les gens que tu idolâtrais étant jeune. C’est drôle puisqu’à ce moment-là, on était tous les deux très fans d’Hocus Pocus (groupe de 20syl ndlr) et on enregistrait avec l’un de ses membres. Si ça s’est vraiment bien passé entre nous c’est vrai qu’il y a toujours ce risque d’être déçu par rapport à l’image que tu te fais de ton idole.

L’album de A Tribe Called Quest fera partie de ces albums qui marqueront l’histoire du hip-hop.

Puisqu’on parle des pionniers, il y a un groupe qui la semaine dernière faisait son grand retour après 18 ans d’absence : A Tribe Called Quest. Vous en êtes fans, qu’avez-vous pensé de ce nouvel album ?

Vin’s : J’ai eu plusieurs étapes émotionnelles en apprenant la nouvelle. Dans un premier temps bien sûr j’étais vraiment content qu’ils reviennent. Ensuite il y a eu la tracklist qui annonçait du gros, mais surtout je me suis dit : « Qu’est-ce que c’est que cette cover de merde ? » Bon j’ai fini par m’y faire finalement. A la première écoute de l’album, c’était très particulier, j’avais l’impression d’entendre un album solo de Q-Tip au travers des prods. Je ne sentais pas une évolution de Tribe Called Quest, mais vraiment de Q-Tip. Mitigé aussi au début à l’écoute des couplets de Phife Dawg. J’ai vraiment ressenti que les enregistrements n’étaient pas les prises définitives, du fait qu’il soit malheureusement décédé pendant la conception du projet. C’est les seuls trucs qui m’ont fait un peu tiqué, mais à force d’écouter j’ai pris du recul et l’album est super, j’ai kiffé. C’est quand même A Tribe Called Quest, c’est déjà énorme qu’ils soient revenus après tout ce temps. Je savais que ça ne serait pas de la merde.

Pumpkin : On m’avait envoyé le lien la veille sur facebook, mais j’ai attendu le jour de la sortie officielle pour l’écouter. A la première écoute, je l’ai entendu d’une oreille parce que je faisais autre chose. J’étais perplexe à l’écoute de certains refrains et globalement j’ai aussi eu l’impression d’un Q-Tip and friends. Après je l’ai réécouté au casque tranquillement et j’ai kiffé. Gros coup de cœur sur « We The People », qu’ils ont également joué sur le plateau du SNL. Après je pense qu’il est un peu tôt pour se rendre compte de l’impact qu’aura ce projet. On verra au fil du temps, mais plus je l’écoute, plus j’apprécie.

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Un album accessible dès le début, on s’en lasse très vite.

Vin’s : C’est la marque des grands albums. A la première écoute, ça te laisse perplexe parce qu’il y a pleins de choses qui te surprennent. Ça m’avait fait pareil avec To Pimp A Butterfly de Kendrick alors qu’aujourd’hui je l’écoute encore souvent et on peut dire sans se tromper que c’est un classique . C’est comme ça que ça marche, un album accessible dès le début, on s’en lasse très vite.

Pumpkin : Le problème en 2016, c’est qu’il y a tellement de projets qui sortent, tout va si vite que les gens en général n’ont plus le temps de saigner des albums comme à l’époque où tu écoutais un disque jusqu’à le rayer. Je pense que l’album de ATCQ fera partie de ces albums qui marqueront l’histoire du hip-hop, comme celui de Kendrick.

J’aime quand il te faut plusieurs écoutes pour comprendre le message de mes textes.

On a parlé des autres, maintenant parlons de Pumpkin. Ta musique est finalement très intellectuelle sur le fond. On a le sentiment que ton univers n’est du coup pas accessible à tous. Qu’en penses-tu ?

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Pumpkin : Oui c’est vrai, mais je suis en train d’apprendre à me dégager un peu de ça. Je pense que c’est pour ça d’ailleurs que le morceau »Chimiq » a mieux marché. J’ai essayé d’être plus simple, plus claire sur le thème et le message. C’est ma bataille, je n’arrive pas à faire du basique. Il faut qu’il y ait plusieurs lectures. Tu peux t’ambiancer sur le son, kiffer le flow, mais j’aime quand il te faut plusieurs écoutes pour comprendre le message de mes textes, qu’à la dixième écoute, tu cernes un truc qui t’avais échappé.

Le sexisme, c’est quelque chose qui m’a touché en tant que fille dans le monde et dans le rap.

C’est vrai que sur l’EP, les thèmes sont finalement assez universels et peuvent parler à tous. D’ailleurs, on en retrouve dessus l’un de tes combats, ton « Rose Combat » : le sexisme ambiant dans le rap et dans la société. Tu pointes du doigt ce problème dans « Science-Friction, mais aussi dans plusieurs de tes morceaux précédents. Tu revendiques cet engagement féministe ? Un terme qui aujourd’hui est souvent utilisé de manière péjorative.

Pumpkin : De plus en plus et je pense que c’est important qu’on l’utilise sans craindre qu’il soit pris de manière péjorative. C’est une manière d’être sûr de ses valeurs, surtout que le terme n’a rien de péjoratif. Je l’ai longtemps cru moi aussi et un jour, je suis allé voir la définition du mot « féministe »et je me suis senti débile. Je pense qu’il est important qu’on l’utilise justement. Il faut que les gens se rendent compte que c’est quelque chose de positif. Après, je peux comprendre que le féminisme peut saouler les gens en fonction de comment il est pratiqué. C’est un engagement qui s’est produit malgré moi et progressivement. Au début, je n’en avais pas conscience, mais en grandissant, le monde qui t’entoure devient de plus en plus précis au fur et à mesure que tu l’observes. Le sexisme, c’est quelque chose qui m’a touché en tant que fille dans le monde et dans le rap.

Je ne vois pas comment en 2016, dans un pays comme la France on peut remettre en question ce genre de choses.

Vin’s Da Cuero : Je suis assez d’accord avec ce qu’a dit Cécile. D’ailleurs, Maisie Williams, l’actrice qui joue Arya Stark dans Game of Thrones a dit un truc assez juste dans une interview, comme quoi le féminisme n’existait pas, qu’il y avait d’un côté les gens normaux et de l’autre les misogynes et je suis assez d’accord avec ça. Je ne vois pas comment en 2016, dans un pays comme la France on peut remettre en question ce genre de choses.

Un peu comme le mouvement Black Lives Matter finalement

Vin’s : Pareil, tout ça ne devrait pas exister. Je ne comprends pas comment il peut y avoir un débat là-dessus. Être pour la misogynie ou le racisme ? On est normalement arrivé à un niveau d’intelligence suffisamment élevé pour avoir du recul sur toutes ces choses. Pour Black Lives Matter, on entend souvent dire par certains que si tu prônes la culture noire-américaine, c’est que tu es anti-blancs. Aujourd’hui on est vraiment dans un truc de stigmatiser les choses pour les rabaisser, les bobos, les élites, les féministes et j’en passe.

Pumpkin : Surtout que le féminisme, c’est formidable. Ce n’est pas vouloir que la femme soit supérieure à l’homme, mais juste égale. Tout le monde devrait penser ça. Le truc c’est que le fait de le dire, de le verbaliser a une connotation négative et je ne suis pas d’accord.

Rocking Squat disait dans « Shoota Babylone » : « Je ne crois pas qu’une chanson pourra changer la condition des hommes ». Tu penses que la musique peut changer l’imaginaire collectif ou son impact n’est pas suffisant ?

Pumpkin : Si bien sûr, toutes les formes de luttes sont passées par la musique. C’est quelque chose de ludique. Elle peut faire passer des messages qui sans elle seraient moins entendus. La musique est une arme, une force incroyable. Sous couvert de t’amuser, de danser, tu peux faire pleins de choses, c’est génial.

Vin’s : La musique banalise et fait rentrer certaines choses dans les mœurs. C’est pareil avec des films, beaucoup d’œuvres artistiques ont fait et font évoluer l’imaginaire collectif. C’est exactement ce à quoi on a voulu tendre avec le morceau « Addition Toxique », qui met au même niveau l’homosexualité et l’hétérosexualité. (extrait de l’EP, Le Beau Temps ndlr) Si à intervalles réguliers tous les morceaux se mettent à aborder cette question, peut-être qu’au fur et à mesure les gens se diront que c’est quelque chose de normal.

En ce moment j’explore beaucoup le genre, l’identité. C’est quelque chose qui m’intéresse vachement.

Pumpkin : D’ailleurs, si tu réécoutes les paroles de « Chimiq », tu te rendras compte que le morceau n’est pas « genré ». J’ai fait exprès d’écrire un morceau qui n’est pas basé sur les relations homme / femme exclusivement. Le clip décrit une relation hétérosexuelle parce que c’est la-nôtre, mais dans le morceau en lui-même, il peut très bien s’appliquer pour une relation homosexuelle.

En ce moment j’explore beaucoup le genre, l’identité. C’est quelque chose qui m’intéresse vachement. C’est intéressant et c’est très rare dans la musique. J’aimerai ouvrir mon rap à ces thématiques, peut-être sur mon prochain album je ne sais pas encore. Aujourd’hui quand quelqu’un de célèbre fait son coming out, c’est un événement. Il faut que ça devienne banal. Après c’est bien que certains le fassent pour aider pleins d’anonymes à franchir le pas, mais il est aussi important que les anonymes, et je m’inclue dedans, fassent leur part dans ce travail au travers leurs actions au quotidien.

Si vous l’avez raté, retrouvez la première partie de l’interview en cliquant ici. Pour la dernière partie, c’est ici.

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