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[Partie 3] Pumpkin & Vin’s Da Cuero « En indé, on fait les choses bien en bossant à notre rythme »

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Dernier chapitre de notre escapade avec Pumpkin & Vin’s Da Cuero dans la capitale. Au programme d’aujourd’hui, leur investissement dans la culture hip-hop, Mentalow Music et leurs collaborations passées.

Pumpkin & Vin’s Da Cuero ne sont pas venus dans le rap pour tenter un coup. Passionné avant tout, le duo nantais se démène au quotidien pour transmettre cet amour de la musique à leur public grandissant. Mais ce n’est pas tout : quand ils ne sont pas en studio ou sur scène, les deux artistes sillonnent la France avec dans leurs bagages, de nombreuses initiatives visant à promouvoir cette culture qui les a forgée auprès de la jeunesse.

On veut transmettre à d’autres ce que le hip-hop nous a apporté.

2HIF : En parallèle de vos carrières, vous êtes tous les deux très investis culturellement parlant dans le hip-hop. Emission de radio, ateliers d’écriture et de beatmaking dans les écoles et plus récemment pour toi Pumpkin, l’initiative Pimp mon Anglais de l’association One Two Three Rap. Qu’est-ce qui vous motive à faire tout ça ?

Vin’s Da Cuero : Tout simplement parce qu’on a grandi dans cette culture hip-hop. Ma mère écoutait A Tribe Called Quest quand j’étais gamin. Quand j’avais quatre ans, je m’ambiançais comme un fou sur le morceau de Deee-Lite avec Q-Tip, (« Groove Is in the Heart » ndlr) j’ai acheté mes premiers albums de rap en primaire, bref, c’est ma culture. Faire tout ça c’est le plaisir de la partager, de transmettre à d’autres tout ce que le hip-hop a pu nous a apporté.  Donner des cours à des gamins et leur faire de l’initiation à l’écriture, leur montrer des boites à rythme, d’avoir un échange avec eux, c’est super enrichissant. Même nous, on apprend des trucs. D’ailleurs on vient de rentrer de Nevers, on a fait un atelier dans deux écoles primaires et un collège.

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Pumpkin : La transmission, c’est hyper important. Ces ateliers hip-hop sont des moyens géniaux pour que les gamins sortent la tête de l’eau. Aujourd’hui en 2016, tu vois beaucoup de gamins, d’ados qui ne sont pas bien dans leurs peaux, qui ont de mauvais résultats scolaires etc. Ces ateliers sont de supers moyens de les faire travailler sur pleins d’aspects et de manière ludique. Ça stimule leur confiance en eux et il y en a même qui se révèlent. J’ai vu énormément de jeunes qui ont craqué. Elles étaient émues aux larmes du fait de prendre conscience qu’elles étaient capables de produire quelque chose. Tout ça fait écho au mal-être que j’ai pu ressentir quand j’étais ado. L’écriture et le rap, c’est une thérapie pour moi, et même encore aujourd’hui. C’est fantastique, tu explores, tu apprends à te connaitre et tu prends du recul sur pleins de choses. Le bien que ça m’a fait, j’adore faire en sorte que ça puisse servir à d’autres.

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C’est aussi ça d’être des indépendants. Avec votre label Mentalow Music, vous pouvez vraiment faire ce que vous voulez. D’ailleurs, quand vous travaillez sur un projet, vous y allez au feeling, ou vous vous imposez quand une certaine pression, un certain rythme ? 

Vin’s : Tu as toujours des deadlines quoi qu’il arrive à partir du moment où tu te fixes des objectifs. L’avantage qu’on a d’être indépendant, c’est qui si pour telle ou telle raison, tu ne respectes pas tes objectifs, tu peux t’en fixer d’autres sans problème. Après, on essaye quand même d’être logique. En ce moment, on est en train de bosser sur l’album qui va suivre l’EP et on sait qu’on ne va pas le sortir en 2022.  On compte évidemment le sortir l’année prochaine, mais on n’a pas de pression quant aux étapes de la conception du projet. En indé, on fait les choses bien en bossant à notre rythme. ça nous évite d’avoir des deadline surréalistes et de bâcler un disque.

Pumpkin : On est à la cool c’est vrai, mais d’une certaine manière on est aussi un label donc il faut tout gérer et c’est pas toujours facile. La communication, l’administration, la musique, on a toutes les casquettes. Même si on est à la cool, on est obligé d’être logique dans notre organisation parce qu’il y a quand même des cycles à respecter. La sortie, la promo et tout ce que ça implique. On cherche en permanence à trouver un équilibre entre faire les choses bien, s’amuser, et de l’autre côté que tout ne soit pas fait à l’arrache.

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Sortir des petits projets, c’est un moyen de retrouver la sensation magique de la scène.

Et il y a le retour à la scène aussi. Tous les deux je suppose que vous kiffez ça ?

Vin’s : Clairement ! On aime beaucoup ça. C’est une sensation unique, c’est là où tu rencontres vraiment ton public. C’est aussi pour ça qu’on sort des petits projets comme Chimiq EP, c’est un moyen de retrouver cette sensation régulièrement.

Pumpkin : On aime être sur scène mais c’est vrai que parfois tout ce qu’il y a autour est un peu compliqué. C’est un rythme hyper soutenu. Des fois, tu te tapes 8 heures de train pour aller d’un point A à un point B, t’es fatigué, tu t’es réveillé à 6h du mat pour jouer le soir parfois à minuit 1h et tu recommences le lendemain. Monter sur scène c’est quelque chose de fantastique, mais il y a des process qui sont un peu compliqués il faut le reconnaître.

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D’autant plus qu’on essaye vraiment de proposer une bonne expérience de live. On a DJ Lyrik, notre DJ de toujours qui nous accompagne sur scène et de nos jours, je trouve que ça se perd. Même les gros artistes américains viennent seuls parce que ça coûte cher de venir avec un DJ. Ils prennent un européen que le tourneur a proposé sur la tournée, ils répètent une fois, le DJ fait play sur ITunes, fais quelques scratchs par-ci, par là et ça s’arrête là. Je trouve que c’est devenu vachement rare de voir des shows bien montés avec des vrais DJ qui scratchent. On est fier de proposer ça.

Pumpkin sur la scène de La Biscuiterie

Pumpkin sur la scène de La Biscuiterie

Si on signe un artiste sur Mentalow un jour, on le fera à fond.

Vous avez toujours été sur une pente ascendante, encore plus aujourd’hui. Est-ce que vous avez des perspectives concernant votre label Mentalow Music que vous gérez à deux ? Avez-vous déjà pensé à développer la structure en signant vous-même vos propres artistes par exemple ?

Vin’s : On aimerait bien c’est sûr, mais c’est un long processus. Dans cette optique cette année et pour la première fois on a sorti un 45 tours sous un autre nom : la VIBE League. C’était  un collectif duquel on faisait partie avec Cécile entre 2006 et 2008. Il a été crée par Supafuh, (un beatmaker qui a pris les deux artistes sous son aile à leurs débuts ndlr.) C’était un premier test de sortir quelque chose sous un autre nom que celui de « Pumpkin & Vin’s Da Cuero », quelque chose que nos fans ne connaissaient pas. C’est une première ouverture. Après, on aimerait bien faire plus parce que Mentalow a actuellement une bonne image auprès des professionnels, mais ça reste encore difficile pour nous. On n’a déjà pas le temps de faire tout ce qu’on voudrait faire.

Pumpkin : On a déjà eu cette discussion avec Vincent et y’a des fois on a vraiment envie. Quand t’as un pote rappeur qui pour toi est sous-estimé et qui vient avec un projet de ouf, t’as envie de le mettre en avant, mais on ne peut pas parce que si on le fait, il faut pas le faire à moitié. Ca veut dire qu’il faut faire les choses bien et ne pas se consacrer à autre chose. Il faut réfléchir aux priorités. On le fera sans doute un jour, mais avant il faudrait que Mentalow grandisse et que d’autres personnes travaillent avec nous pour pouvoir nous décharger de ces questions.

Vin’s : Signer virtuellement un artiste ça ne sert à rien. Si c’est pour ne pas s’en occuper, le laisser faire ses morceaux, ses clips et sa promo lui-même avec son équipe et juste récupérer les thunes, on ne veut pas faire ça. Si on signe un artiste, on le fera à fond. Chaque chose en son temps.

On parlait de scène tout à l’heure. L’été dernier, Demi-Portion a organisé son premier Demi-Festival en toute indépendance, un événement qui a marché du feu de Dieu. Dans cette logique d’indépendance, voudriez-vous en faire de même avec tous vos potes artistes, histoire de promouvoir l’étiquette Mentalow ?

Pumpkin : L’année dernière, on a organisé en collaboration avec New School, une release party au New Morning pour la sortie de Peinture Fraîche et c’était déjà un peu dans cet esprit. Tous nos potes  DJ et musiciens étaient là pour nous accompagner sur scène. C’était un premier « Pumpkin & Vin’s Da Cuero and friends ». Après Demi Portion a une notoriété nettement supérieure à la nôtre. Pour l’instant c’est clair qu’on ne peut pas prétendre organiser quelque chose d’aussi important.

Vin’s : Après c’était un risque de faire ça et il l’a réussi avec brio. Il a fait ça tout seul alors que beaucoup de choses étaient contre lui au départ. C’est une grosse force et j’espère pour lui qu’il va pouvoir continuer à faire ses trucs comme il veut. Pour nous à terme pourquoi pas, mais on en est carrément pas là pour l’instant.

20syl est quelqu’un de bienveillant… Il est très curieux vis-à-vis des jeunes artistes.

Pumpkin Vin's Da Cuero 20Syl

Parmi vos principaux collaborateurs et amis, on trouve 20syl, (DJ de C2C et Hocus Pocus ndlr). Pourriez-vous nous parler un petit peu de votre relation ?

Pumpkin : J’ai toujours été fan d’Hocus Pocus et quand j’habitais à Barcelone, j’étais backeuse dans un groupe de MC espagnols. On a fait un gros festival de hip-hop à Madrid, où jouait Hocus Pocus. Il y avait aussi C2C, Cut Killer, Booba et pleins d’autres grosses têtes d’affiche, c’était un truc de malade. C’est là que j’ai rencontré 20Syl pour la première fois, même si on avait déjà échangé sur MySpace à l’époque. J’y avais mis mes maquettes, on a échangé et le feeling est passé virtuellement dans un premier temps. On s’est croisé pour la première fois en face parce qu’on était dans le même hôtel avec tous les artistes. On s’est retrouvé entre deux personnes assez timides et on ne savait pas trop quoi se dire. Il est très introverti et moi j’étais impressionné. On est quand même resté en contact, je lui envoyais mes maquettes et je suivais ce qu’il faisait.

Vin’s : C’est quelqu’un de bienveillant qui a toujours eu un œil sur ce qui se faisait en dessous. Il est très curieux vis-à-vis des jeunes artistes.

Avec lui, c’est la première fois de ma vie que j’ai eu le sentiment d’avoir fait un vrai morceau de rap.

Pumpkin : J’ai eu tout de suite envie de collaborer avec lui, mais je sentais que j’étais trop jeune et que mon projet n’était pas assez en place pour éventuellement l’intéresser. Quand j’ai senti que c’était le moment avec Silence Radio, je l’ai contacté en lui demandant s’il était chaud de participer au projet. Je lui ai demandé une prod dans un premier temps et on s’est retrouvé chez lui pour bosser le truc. Il m’a fait écouter des vieux morceaux et on a choisi de partir sur ce qui allait devenir le titre « Play ».

Après ça j’ai écrit, je suis allé chez lui à Nantes, on a enregistré ma voix en un après-midi. Petite parenthèse, j’étais super impressionnée par tous ses disques d’or et sa Victoire de la Musique (rires).  Après ça je suis rentré chez moi et le lendemain matin, le mec m’avait envoyé le son terminé. C’est la première fois de ma vie que j’ai eu le sentiment d’avoir fait un vrai morceau de rap, un truc qui potentiellement pourrait passer dans une radio.

Vin’s : Je n’aimais pas le morceau au début, mais je l’ai bien digéré avec le temps. Après ça, on a gardé contact, on s’est même croisé plusieurs fois et on est monté sur scène avec lui.

Pumpkin : Il a continué à me suivre après et on s’est remis à bosser ensemble sur Peinture Fraîche, mais cette fois on le voulait en tant que rappeur. Il était d’accord, mais comme c’est quelqu’un d’assez « contrôle freak », il fallait que le morceau lui convienne vraiment à 100%. C’est un réal né et il a besoin instinctivement de participer à la réalisation du morceau. Du coup, il nous a proposé un concept et a réalisé une co-prod avec Vin’s et un co-rap avec moi. On est parti là-dessus. On a fait ça en ping-pong à quatre mains. C’était une super expérience que d’écrire un morceau de rap à deux, c’était touchant qu’il accepte de le faire. Je dis ça parce qu’aujourd’hui, 20syl se consacre quasi-intégralement au beatmaking, ça le saoule d’écrire des textes, même s’il le fait très bien. On a beaucoup rigolé, on s’est vannés sur nos phases. C’était cool, on a enregistré le lendemain le morceau « Fifty, Fifty ».

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Aujourd’hui, vous avez encore des projets de collaborations à venir avec lui ?

Non plus vraiment, lui aujourd’hui est papa et puis il y a AllttA sur qui il se concentre intégralement. Nous aussi sur l’EP et même sur l’album, on avait envie de faire autre chose. On a déjà fait deux morceaux avec lui, c’est déjà super. C’est pas exclu qu’on recommence dans le futur, mais on a aussi envie en tant qu’artiste d’explorer d’autres pistes et de travailler avec d’autres personnes. Par exemple on aimerait bien bosser avec DJ Atom qu’on connait aussi. Il est très bon et est dans un autre style que 20syl, ça pourrait être intéressant de collaborer avec lui.

Vous avez aussi bossé avec une étoile montante du rap londonien, Jay Prince sur le morceau « La Mer à Boire ».

Vin’s : Jay Prince est vraiment super cool. Lui aussi ça s’est fait naturellement. J’avais écouté son EP avec Maloon TheBoom, Voyage et je l’avais kiffé. A l’époque on avait un podcast, les Mentalow Mix sur Mixcloud, sur lesquels on proposait des playlists. J’avais programmé son truc et je l’ai tagué sur les réseaux sociaux. Du coup, il m’a remarqué et s’est penché sur ce qu’on faisait avec Cécile.

Pumpkin : Suite à ça, il m’a contacté pour me dire qu »il kiffait ma musique et m’a proposé de faire un son avec lui. Il faut savoir qu’il a de la famille en France à Paris donc il est venu une première fois chez nous. Le feeling est super bien passé et il est revenu une seconde fois un an après. C’est là qu’on lui a fait écouter des prods de Peinture Fraîche en lui demandant quel morceau lui plaisait pour poser dessus. Il a choisi celle de « La Mer à Boire ». Il a enregistré chez lui en Angleterre, mais on lui a fait réécrire un couplet parce que la première version ne nous convenait pas. D’ailleurs, à un moment dans son couplet, il parle en français et fait une faute. Il dit : « Je suis mal au tête ». (rires) Il était dégoûté, mais on a trouvé ça génial, on lui a dit de laisser le comme ça.

Vin’s : En tout cas, c’est vraiment un super gars. On l’a revu il y a pas longtemps à Nantes lors du festival HIP OPsession où il jouait. On est vraiment super content que ça monte pour lui, il le mérite.

C’est sur cet éloge plein de bon sens, et après deux heures de riches discussions, que je quitte Pumpkin & Vin’s Da Cuero. L’heure est venue pour eux de retourner charbonner, la promo de Chimiq EP ne fait que commencer…

Propos recueillis par Jérémie Léger

Si vous avez raté la première partie de l’interview, cliquez ici. Pour la seconde, ça se passe ici.

Crédit photo : © Bastien Burger
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