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Lomepal et ses influences belges

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Lomepal n’est pas « le nouveau … » , « le digne successeur de … » , « l’héritier de … », ou le « … français ». Dès ce premier album, FLIP, Lomepal fait du Lomepal. Et c’est assez troublant pour l’auditeur, qui se retrouve dans l’incapacité d’associer directement le style du rappeur du XIII ème arrondissement à celui d’un de ses amis de l’Entourage, ou d’un autre MC mythique ou en vogue. On ne peut le comparer précisément à un artiste, mais le rappeur parisien est tout de même imprégné d’une certaine intensité belge. Décryptage.

 

Un peu de Damso

Damso « fume pour oublier », Lomepal mise sur l’alcool. (« De l’alcool pour oublier » ou « Les joints c’est pour empêcher les larmes de couler / Le scotch, c’est pour les choses irréparables. ») Dans Amnésie et Sur le sol, les deux rappeurs quittent le style égotrip dont ils usent très souvent et se font tout à coup très petits.

Les deux rappeurs sont rongés, fatigués par une décennie de culpabilité (« 23 ans aujourd’hui, il y a 10 ans déjà
/Que j’prie pour que l’amnésie s’en prenne à moi » pour Damso et « Dix ans plus tard, j’ai toujours pas réussi à me l’pardonner » pour Lomepal). Tous deux décident de se soulager et se repentir dans des morceaux intenses. Intenses, parce qu’ils ne s’épargnent pas et acceptent d’être jugés par leur public, et dans ce cas jugés négativement. Leurs aveux créent une nouvelle intimité. Sur des instrumentales douces sont apposées des paroles crues relatant de faits choquants. Le contraste est puissant.

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Dems et PalPal ont créé une sorte de « rap purgatoire », de « rap méa-culpa », encore plus intense que le rap thérapie de Soprano dans Mélancolique anonyme ou de Diam’s dans T.S.

Beaucoup de Stromae

Stromae et Lomepal ont ce point commun d’interpréter au point d’incarner. Plus qu’une performance, ils s’engagent physiquement. L’un comme l’autre n’ont pas hésité à se déguiser et se féminiser pour illustrer un de leurs titres. Stromae campe le personnage de son double féminin dans Tous les mêmes (Racine Carré, 2013) et Antoine apparaît en semi travesti au maquillage qui coule dans le clip de Pommade et sur la pochette de FLIP. Une première dans le rap français.

Bien que Stromae se proclamait en 2013 « ni rap, ni électro », l’artiste belge a bien débuté par l’un et accédé au succès grâce au second. Mêler des textes mélancoliques à de la musique entraînante fut la recette gagnante pour l’interprète de Papapoutai. Et cette même recette a l’air de porter plutôt chance à Lomepal. Comme Stromae, Lomepal aime mélanger les genres, les textes de rap aux notes électroniques. Le rappeur de 25 ans a fait appel au DJ électro Superpoze pour produire les titres « Bécane », « Ray Liotta » et co-produire « Yeux Disent » ainsi qu’à Guillaume Brière du groupe de rock électronique The Shoes, qui a participé aux arrangements de « Ray Liotta ».

L’autre trait commun (assez rare actuellement pour être souligné) : Stromae et Lomepal ne se cachent pas derrière des prods parfaitement travaillées, et sont capables, sur scène, du meilleur. À chaque plateau, Stromae choquait par la qualité de ses performances. Lorsque le 20 juin dernier, Lomepal était invité au Café de la Radio Nova, la justesse et l’émotion de sa version acoustique de Ray Liotta ont confirmé son talent. Dans leurs commentaires, les internautes sont unanimes : Lomepal est un grand interprète. Ses prestations, un régal.

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Dans leurs répertoires respectifs, le maestro et le rappeur ont tous deux abordé le sujet de l’ivresse, et des questions parfois dérisoires, d’autre fois existentielles, que l’homme se pose désespérément lorsqu’il se plonge dans cet état. Dans Formidable (Couplet 3 : « Pourquoi t’es tout rouge ? Ben reviens gamin !/Et qu’est-ce que vous avez tous, à me regarder comme un singe, vous ? »), comme dans Sur le sol (Couplet 2 : « Car il paraît que j’suis un artiste, c’est quoi un artiste ?/Un bon à rien qui touche les autres/Tu veux un chef d’œuvre ? Allez c’est parti, et puis quoi, j’vais m’faire sauver par qui ? »), les deux artistes crachent leurs interrogations et se répondent à eux-mêmes, avec la même intensité, la même émotion. Ils laissent transparaitre la même détresse.

Lomepal a saisi quelque chose de l’univers Brel

Ce n’est pas seulement un raccourci qu’on pourrait faire, quand on sait que Stromae a longtemps était comparé à Brel, et que Lomepal et Stromae ont quelques ressemblances. Le jeune Antoine partage réellement quelque chose avec le grand Jacques. Mais quoi ? Difficile de le saisir. D’abord, leur rapport à l’espace. Après avoir été artiste-interprète, Brel fut aviateur et navigateur. Il confiait en 1966 : « Ce que je trouve infernal, c’est le cycle du sédentaire. » Lomepal lui n’est sans doute pas pilote, mais cette thématique est présente dans son album à travers Avion, et l’était déjà en 2015 avec Avion malaisien sur l’EP Majesté. Pas d’avion ni de paquebot, mais un skate grâce auquel il reste en mouvement et ne se sédentarise pas. Dans de nombreuses interviews, l’artiste confie qu’outre sa passion première pour le skate, il aime voyager, un peu partout, de l’Australie à l’Asie en passant par le Maroc, pour capter d’autres atmosphères, trouver l’inspiration, et créer une fois de retour à Paris.

Et puis, Jacques Brel ne supportait pas la bêtise, « la mauvaise fée du monde », « la sorcière » comme il la qualifiait dans une interview en 1971 sur une chaîne belge. Il la dépeignait, cette bêtise, avec précision et fascination par une série de portraits dans le puissant « Ces gens là. » Quel autre artiste contemporain a mieux réalisé une satire de la bêtise humaine que Lomepal dans Palpal ?

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Le clip met en scène un couple de participants à un jeu télévisé, prêt à se tuer pour l’appât du gain, face aux encouragements d’un public dressé pour être profondément bête et obéissant. Dès sa sortie (le 28 juin 2017), la vidéo a été saluée par la critique, qui soulignait la cruauté des personnages et la puissance du message. Un succès supplémentaire et particulièrement plaisant pour le rappeur ex-vidéaste, qui accorde une importance à l’image et s’implique parfois dans la réalisation de ses clips.

Et quand ce ne sont pas les influences que l’on perçoit, ce sont les featurings de FLIP qui sont belges. Deux des quatres rappeurs invités sur l’album sont bruxellois : les immanquables du moment, Caballero (dans Ça compte pas) et Roméo Elvis (dans Billet).

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