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Avec « Polaroïd », l’Enfant du Siècle Lord Esperanza entre par la grande porte

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Avec "Polaroïd", l'Enfant du Siècle Lord Esperanza entre par la grande porte

Etoile montante du rap français, Lord Esperanza a brûlé les étapes en dévoilant son premier album Polaroïd, un savant cocktail de rimes exquis et d’extravagances artistiques.

« Patience est mère de sûreté » préciseront les principaux acteurs de la scène rap, soucieux d’avoir explosés après plusieurs années dans l’ombre. Cependant, devant Lord Esperanza, la scène française s’est progressivement illuminée au rythme de clips brillants et ses freestyles à vif. Porté par une puissance lyricale qui lui offre une place de choix au cœur d’une génération énervée (Django, Eden Dillinger, Népal), Lord allie avec brio le fond et la forme. Cette force, il l’a parfaitement incorporée dans son Polaroïd, tantôt poétique, tantôt sombre, tantôt fantaisiste.

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Une photographie esthétique

Le travail dans la chambre noire fut légèrement plus long que prévu. Attendu pour le 13 octobre, Polaroïd a finalement été repoussé de deux semaines après une sombre histoire de piratage. Une situation qui n’a aucunement ébranlé le statut de l’enfant du siècle, imperturbable, qui sortait dans la foulée son clip « L’ère du temps ». Dans un climat plutôt sombre, agrémenté d’un jeu de couleur lumineux, ce second extrait venait contraster avec le chaleureux « Maria » sorti quelques semaines plus tôt. A travers ces deux extraits se dessinent précisément l’esthétique particulière et volatile émise par Lord dans le projet.

La cover, sur fond rose, un serpent jaune autour du cou appuie cette volonté : créer un véritable panorama de morceaux étalés sur différents univers. Au fil des pistes, plusieurs styles se chevauchent, parfois même contradictoires. Le coloré « Polaroïd » vient faire suite au très sombre « Tutoyer le ciel ». Cette ambition, déjà présente dans l’opus Drapeau Noir contribue à la création d’un personnage complexe qui aime varier ses sonorités. Piano, guitare ou productions électroniques, Esperanza ne ferme aucune porte pour accoucher de l’album le plus complet possible.

Un Seigneur poète sur les bords

Du début à la fin, Polaroïd transpire la poésie. Cette fameuse poésie romantique, menée par Charles Baudelaire et son spleen. Trois titres de morceaux se composent notamment du mot « noir » tandis que les champs lexicaux romantiques se multiplient. On a la nature, les couleurs, mais aussi et surtout le rapport au temps comme le définit si bien « L’ère du temps » avec Jill Romy. Autour de la plume majestueuse de Lord, gravite un casting, de plus, très complet. On relève, tout d’abord, les inévitables Nelick et Shaby. Le premier orne les contours du très house « Capable » alors que la seconde prête sa voix au dansant « Maria ».

La grosse affiche se trouvait sur « Infiniment vôtre », un morceau en compagnie de Roméo Elvis. Les deux nouvelles têtes de série du rap francophone n’ont pas manqué le rendez-vous puisqu’ils ont allié leur force sur une instrumentale ponctuée de coups de guitare à la manière de « Drôle de question ». Au-delà de ça, l’opus est porté par le génialissime « Polaroïd ». Véritable claque, cette piste 5 est sculptée pour devenir un tube, avec son instrumentale épurée et son refrain entêtant. Parmi les autres morceaux phares : la fermeture de l’album « Sol d’étoiles », où le bruit des éclairs rythme une production lumineuse entrecoupée d’un somptueux refrain en anglais. Autre exemple, « La couleur des sentiments » qui, après une introduction acapella jouit d’une ambiance old-school et planante parfaitement équilibrée.

Peut-être trop complet ?

L’enfant du siècle a été parcouru du frisson du premier album et sa volonté d’assommer le rap français. Ce frisson est souvent maladroitement mêlé au « syndrome » du premier album et la volonté de vouloir trop bien faire. C’est une légère critique que l’on retrouvait déjà dans Grand Cru de Deen Burbigo, qui affirmait l’ambition d’exploiter tout le potentiel de l’artiste. Polaroïd, bien que plus tempéré, admet tout de même quelques redondances de style. « Tutoyer le ciel » et le double volet « Noir » et « Noir II » semblent graviter autour d’un même univers.

Ces derniers composent d’ailleurs l’une des nébuleuses de la nouvelle scène rap française. Sûrement dans le sillage de Nekfeu et son style riche et détaillé, Lord Esperanza, comme ses proches compères, porte une attention particulière à la qualité de ses lyrics… et peut-être parfois même jusqu’à tomber dans le piège de la facilité d’écriture et des assonances et allitérations à outrance. Un léger problème qui amincit parfois la frontière entre morceaux et freestyles bruts, supplantant le côté original de certains morceaux. Un détail, me diriez-vous.

Dans son univers poétique, varié, mais cohérent, Lord Esperanza a définitivement prouvé qu’il comptait dompter la scène hip-hop française. Un opus crédible, brillamment construit, ponctué par la fougue d’un artiste aux mille idées. Après avoir planté son Drapeau Noir en mars, le cliché extrait du Polaroïd de Lord Esperanza n’est que le début d’une admirable ascension. Vous pouvez écouter l’album ici-même.

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